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    piege Mortel

     

     

     

     

    La lumière ne parvenait pas à passer sous le linge qui lui bandait les yeux. Ses mains ne pouvaient, elles non plus, libérer sa vue à cause des cordes nouées autour. Nouées si fort que ses membres rougissaient. Elle aurait été nue si ses haillons avaient cédés sous la pression des chaînes de métal qui la couvraient.

    Dans sa prison incolore, il lui arrivait de percevoir le souffle, parfois agonisant, d'autres captifs. Des dizaines. Mais son ouïe fine lui laissait également entendre le bruit sourd de corps tombant à terre, et se respirations s'éteignant.

    La jeune fille avait perdue toute notion du temps. Depuis quand était elle là ? Des jours, des semaines entières probablement. Elle ne pouvait se rappeler ni de la lumière, ni du soleil. Rien. Rien ne l'atteignait plus. Le souvenir même de son arrivée ici était pavé d'incertitudes.

     

    Ce jour-là, il pleuvait. Une pluie glacée qui se confondait au sentiment de tristesse et d'amertume sur les joues de la fillette. Ses bottes frappaient si violemment les flaques d'eau qu'elles manquaient de s'y noyer.

    Elle ne s'en incommodait pas. Comment un détail si insignifiant aurait pu permettre qu'elle s'y attarder d'avantage ? Peu importait qu'elle soit mouillée, peu importait qu'elle pleurait... Elle était seule. Seule et vide. Elle l'avait toujours été après tout, sans famille, sans argent, sans personne. Pourtant... pourtant aujourd'hui elle fêtait ses quinze ans. Quinze années qu'elle vagabondait, qu'elle fuyait, quinze année que...

     

    Dans sa prison, Iléane sourit. Une question vint effacer toute les autre; à qui appartenaient-elles ? Ces bribes, ce souvenir, n'avaient jamais été siennes. Sans doute résultait-il de la mémoire d'une enfant qui avait -ou allait- trouver la mort ici, et qui lui offrait ses souvenirs. Qu'elle les garde, précieusement, que son passage sur Terre ne soit pas totalement effacé. Venant de partout autour d'elle, des battements de cœurs se rejoignaient, dans un ultime espoir ou dans un souffle continue.

    En une absence totale de bruit, un corps tomba à Terre. Iléane poussa un cri qui s'étouffa entre ses dents et la serviette qui entourait sa bouche. Une perle bleutée coula sur sa peau. Lentement. Elle traversa le bandeau qui couvrait ses yeux et, dans un ultime espoir, l'adolescente espéra que, peut-être, l'eau pourrait assouplie le tissu qui se détacherait et qu'alors elle serait capable de voir et sauver tout le monde. Ce fut vint. Et très vite ses larmes cessèrent.

     

    Un bruit sourd offusqua brusquement ses oreilles. Un second, puis un autre. De vieilles clefs ne cessaient d'ouvrir des portes rouillés. Dans un grincement, un homme empoigna Iléane pour la forcer à se lever, mais, une fois sur ses jambes émaciées, elle s'effondra. Il se détourna alors, songeant à la laisser mourir ici au lieu de s'en encombrer. Lorsqu'il se tourna vers un autre prisonnier, un homme posa la main sur son épaule, lui feignant l'ordre de récupérer sa première cible. Il passa alors au cou d'Iléane un collier raccroché à une chaîne qu'il serrait très fort dans sa paume.

     

     

    Une dizaine de minutes s'écoulèrent. Rapides mais très lentes également. Trop lentes. Comment se rassasier du temps lorsqu'on sait que le notre est finit ? Elle allait mourir. Elle ne savait ni où, ni pourquoi. Tout ce qu'elle savait était qu'elle ne souffrirait pas, mais que les autres auraient le temps de se liquéfier sans que personne ne se montre exempt.

    Iléane fut la dernière. C'est aussi comme cela qu'elle apprit combien ils étaient. Quarante. Quarante êtres humains traités comme des morts. Certains l'étaient.

    Juste avant que ce ne soit son tour, on retira le bandeau sur ses yeux et on lui rinça le visage. L'adolescente ne voyait rien tant la moindre lumière lui paraissait éblouissante. Elle fut lavée, suite à quoi on la plaça au centre d'une scène, face à des dizaines de personnes. Des dizaines de rictus maléfiques. A cet instant elle comprit. Elle sut pourquoi elle était là. C'était elle le prix, elle était à vendre.

     

    « Pour terminer ce soir, annonça une voix grave, l'offre mille trois cent soixante-deux ! De longs cheveux blancs et soyeux, des yeux colorés entre carmin et brun délavé. Forte d'un mètre cinquante, vous pouvez vous en servir pour toute sorte de travaux, son corps peut d'ailleurs être utilisé grâce à son état parfait dû à son jeune âge. Que ce soit pour vos... »

     

    Iléane n'écoutait plus. Vendue, elle ? Utilisée ? C'était donc comme ça qu'allaient finir tout ceux qui avaient été avec elles ? Ceux qui étaient déjà partis...

    Sans qu'elle n'eut compris, l'homme qui tenait ses chaînes les offrit à son acheteur. Il la regarda avec un sourire dur qui la fit tressaillir un quart de seconde. Ses muscles atrophiés lui refusaient toujours de marcher. Il la traina.

     

    Une fois sortis, il la poussa dans une grande voiture aussi sombre que le ciel. Il l'allongea presque, mais sa tête se cogna à la vitre. Il se plaça sur elle, ferma la porte. Il finit par défaire ses chaînes et le linge qui entourait son visage. Iléane en profita pour prendre de profondes inspirations, respirant comme jamais auparavant. Puis elle écarquilla les yeux et son souffle reprit un rythme normal avant que... De nouveau elle se figea. Les grandes mains de l'homme se baladaient sur son corps. Sans qu'elle ne s'en rende compte il tira un poignard et le saisit fermement dans sa main droite. Il glissa cette dernière sous les vêtements de la jeune fille avant de les lui arracher.

    Cette fois-ci ce fut l'homme qui eut un mouvement de recul. Le ventre d'Iléane se sectionnait en la forme d'un compartiment métallique. Comme un jouet ou comme... un robot.

     

     

    Elle y avait réfléchis pendant des heures quand elle était dans cette cage humide. « Comment ? » Iléane pouvait facilement faire tout exploser. Ces monstres et leur prison. Mais de cette manière elle aurait tué les humains qui partageaient avec elle cette destinée ténébreuse et cette triste fin.

    S'excuser. La jeune fille ne souhaitait rien d'autre que s'excuser. Elle aurait voulu tuer tous ceux qui les avaient acheter, tout ceux qui allaient les utiliser, les revendre, les torturer. S'en servir comme des objets... Elle ne pouvait pas. Se concentrer. Il fallait juste qu'elle se concentre pour que sa destruction prenne du terrain et détruise cette maison derrière elle. Vite. Elle devait faire vite pour que personne n'ait le temps de sortir.

     

    Quelques secondes s'écoulèrent. Rapides mais très lentes également. Trop lentes. Comment se rassasier du temps lorsque l'on sait que le notre est finit ? Ils allaient mourir. Mais, elle, ne souffrirait pas alors que les autres auraient le temps de se liquéfier sans que personne ne se montre exempt. Personne. Pas même Iléane.

    Elle allait mourir, emportant avec elle les larmes de courage qu'avaient versés ses compagnons.

    L'explosion balaya tout, fit s'envoler les derniers souvenirs. Elle déblaya tout ce qui trainait sur son chemin. Tristesse, remords, peur. Très vite il n'y eut plus rien, rien d'autre que le silence. Un silence de mort.

     

     

     

    By Estel

     

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