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    Mi-humaine

     

     

    La noirceur de la lune plongeait le ciel dans le néant. La sphère moirée s'était éteinte lors d'une danse glaciale de nuages foncés. La nuit sombre jonchait une forêt aux arbres effilés, sa brume étrennait leurs cimes qui jouaient avec des semblants d'ombres d'étoiles endormies.

    Devant le labyrinthe d'arbres fluctuant se dessina une silhouette. Fine et élancée. Ses longs cheveux mordorés étaient entrainés dans la douce chanson qu'interprétait le souffle du vent. Une étincelle de lumière dévoila les grands yeux pourpres qui fixaient le bois, dominant avec une étonnante sûreté cette nature infranchissable.

     

    Les pieds serrés par des bottes de daim gris, elle fit un pas. Entrant au cœur de cette voie insaisissable, elle chancela. Ses membres lui parurent lourds. Trop lourds. Le haut de son corps s'abandonna et se laissa soudainement pendre, comme si ses jambes avaient à porter un cadavre... Adossée contre un imposant chêne bistré, elle baissa sa tête vers sa main. Ce n'en était plus une. Déjà, l'apparence humaine qu'elle aurait pu lui offrir disparut. Sa peau ne portait plus ce nom. Ce n'était plus qu'une épaisse fourrure basanée, arrachant sans y prêter attention les manches de la robe écarlate, déchirée par le vent. Ses doigts disparurent aussi, laissant une place trop importante, pour des yeux humains, à des griffes acérées.

     

    « Alors c'est... comme ça que ça doit se passer... susurra-t-elle à la brume qui voltigeait autour de son corps. »

     

    En lambeaux. Son visage tombait en lambeaux. Dominé par de petits yeux couleur de sang, au-dessus d'une cicatrice noire courant le long de sa joue duveteuse. Ses bretelles rompirent sous une corpulence qui l'incommodait, puis le vêtement entier se déchiqueta sous les mouvements de la bête.

    Plus rien. Plus rien n'avait d'importance. La fille n'était plus une fille. Ce n'était plus qu'un monstre, se refusant à murmurer au vent, souhaitant happer le ciel, cramponner la chair de ses griffes meurtrières, et... du sang. Du sang. Du sang... Cette pensée parvint tout à coup à se tracer un passage jusqu'à elle, murmurant lentement à ses oreilles : « Du sang ».

     

    Elle cherchait. Elle ? Non. Le monstre cherchait. La fille qui jadis se cachait derrière avait disparu. Il cherchait. Cherchait désespérément une goutte de sang dans cette forêt inanimé. Criant, hurlant à la lune de lui accorder un flot de pouvoir pour s'abreuver.

    Son cri se perdait, devenant murmure, devenant vent, disparaissant. Le cri d'une bête à l'agonie, le cri d'un monstre demandant son salue. Qui avait tort ? La fille trop faible ou le monstre qui vivait malgré eux ? Qui avait tort, qui avait raison...? Tel celui de l'être torturé par les hommes, son cri se fit emporter et pousser vers ces-derniers. Le cri de l'être qui avait perdu sa liberté... Ou la chanson d'espoir de l'homme qui mourrait enchainé.

     

    La fille n'était plus une fille. Le monstre n'était plus un monstre. La fille était morte, le loup criait pour elle. Tentait de chasser la mort, de la battre et de la détruire. Le sang... Il avait encore envie de sang. Envie de vengeance et de souffrance.

    Ses griffes caressèrent sa fourrure bestiale qui se recouvrit de la substance qu'il avait si longtemps recherché. La lune lui aurait-elle offert ? Il s'écria un ultime adieu pour elle qui fut porté loin, très loin, ne réussissant pas à traverser le ciel ébène pour l'atteindre. Ils se perdaient, devenant murmures, devenant vent, disparaissant.  

     

     

    By Estel


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