« Continue de briller... petite etoile... »

C'était la deuxième neige de la saison. Elle ne formait, pour l'instant, qu'un fin voile immaculé, mais les élèves du collège Kadic ne pouvaient s'empêcher de rester collés aux fenêtres du bâtiment des sciences. Leur professeur tenta à maintes reprises de les faire se rassoir. En vain.

Madame Hertz avait de courts cheveux gris et bouclés. Elle portait constamment une blouse blanche, même lorsqu'elle ne donnait pas de cours. Dans la classe, seule une jeune fille ne s'était pas levée. Elle avait de beaux cheveux roses, dont quelques mèches tombaient sur ses grands yeux émeraudes. L'adolescente présentait un visage triste. Elle croisa les jambes, et les pompons de ses bottes manquèrent de s'emmêler. Elle regarda le siège à côté d'elle. Vide. De sa main elle effleura le bureau. Normalement il aurait été là. A côté d'elle. A se lamenter sur leurs camarades qui tombaient en admiration devant ces larmes cristallisées. Et il l'aurait également sermonnée, elle, de se faire emportée dans ce mouvement ridicule à ses yeux. Et ça l'aurait fait sourire...

Mais il n'était pas là. Il était ailleurs. Loin, très loin d'elle.

L'excentrique du groupe fit son apparition devant Aelita. Sa drôle de mèche violette perdue dans ses cheveux blonds l'avait toujours intriguée. Mais, de même que son allure et que ses vêtements loufoques, elle s'y était habituée. A ça comme à son étrange chien. Kiwi. Dont les activités principales, et où il excellait, étaient la mastication de pantalons et le grignotage de livres.

« Un souci, princesse ? questionna-t-il en s'agenouillant devant sa table.

_ Non, tout va bien, je t'assure ! »

La lyokô-guerrière esquissa un demi-sourire pour apaiser son compagnon. Mais en réalité... non. Non, ça n'allait pas. Jérémie lui manquait. Ça faisait déjà deux mois qu'il était parti...

Ses coups de fil ne lui suffisaient plus. Ses mails, ses cartes, ce n'était pas assez. Elle voulait le voir. Face à face. Elle ne pouvait plus se contenter de ses apparitions en caméra. C'était trop dur.

Aelita se perdait dans ses pensées. Ne remarquant même pas que son ami samouraï les avait rejoint. Une importante partie de ses cheveux châtains s'étalaient sur son visage clair. Son air froid, solitaire et sa fierté arrogante lui avaient régulièrement valu des remarques de la part de ses amis. Mais il n'avait pas changé pour autant. Il était resté Ulrich. Juste Ulrich. Adepte du penchak-silat et amoureux, caché, de Yumi Ishiyama. Une jeune japonaise de la classe supérieure. Elle gardait ses cheveux mi-longs détachés, avec une raie sur le côté. Toute de noir vêtue, l'adolescente n'en restait pas moins chaleureuse et amicale. D'autant plus en vers Aelita, la seule autre fille du groupe.

« Tu sais c'qu'elle a ? demanda le garçon aux cheveux bruns à son confrère.

_ Alors là, aucune idée. répondit-il avant de remuer ses mains, dans tous les sens, devant le visage de l'ange de Lyokô. AA-E-L-III-TAAAA ?!

_ Hein..? Oh, Ulrich, salut !

_ … Salut... renchérit-il d'un ton perplexe.

_ C'est encore à cause d'Einstein ? murmura Ulrich.

_ Sûrement... Quel idiot aussi, partir comme ça ! Rappelle moi de lui jeter Kiwi à la figure quand il rentre.

_ Arrête, c'est la chance de sa vie d'avoir été prit pour faire des études là-bas. Il a plus que le niveau requit pour entrer.

_ Ça c'est sûr, mais laisser Aelita comme ça... Il doit s'en vouloir, après l'mal qu'il s'est donné pour qu'elle vienne sur Terre. »

Pour seule réponse, Ulrich acquiesça d'un signe de la tête.

La sonnerie retentit dans l'établissement, après ce cours plus ou moins productif... Les élèves se hâtèrent vers la sortie. La cour de récréation était entièrement recouverte de neige. Même le surveillant, Jim Moralès, s'était réservé plusieurs projectiles glacés.

Yumi était sortie en avance de sa classe, le temps de préparer une boule d'une vingtaine de centimètres de diamètre. Elle attendait, cachée contre le mur de l'établissement, se mordant les lèvres pour ne pas succomber à un fous rire. Puis Ulrich finit par sortir à son tour. Les mains dans les poches, il suivait du regard la trajectoire des objets volant. La jeune japonaise jaillit de l'ombre et lança, de toute ses forces, son arme sur son ami. L'eau dégoulinait sur ses vêtements, tandis qu'il essayait de cacher son énervement et son désarroi. Sa main tremblante l'empêchait de fermer le poing. Il tourna la tête, alors que la coupable fuyait au loin. Il la poursuivit, la faisant courir de plus belle.

Aelita s'était assise sur les marches, la tête reposant sur ses bras croisés. William se joignit à elle, dont il s'était rapproché ces derniers temps.

« Ne te torture pas, Aelita. Tout le monde s'amuse, tu devrais en profiter.

_ Toi aussi... Toi aussi, tu ferais mieux d'aller dans la neige avec eux. C'est ta dernière année ici, qui sait, peut-être qu'il ne reneigera pas de l'année.

_ Je suis comme toi. Je n'ai pas envie de rire. Je n'ai même pas envie de pleurer non plus... marmonna-t-il en regardant sa bien-aimée batifoler dans le froid avec son rival.

_ Nous avons tout deux le cœur écartelé de tous côtés.

_Hum... C'est fous comme deux cœurs brisés peuvent s'accorder parfaitement.

_ Comment faire.. Pour s'échapper de cette folie dévastatrice ? N'y a-t-il aucun pansement suffisamment résistant pour ressouder des sentiments entre eux..? »

Aelita reposa sa tête sur celle du ténébreux. En silence. Ils avaient eu l'occasion de faire connaissance depuis que Jérémie était parti. L'amour à sens unique de William à Yumi, celui, réciproque mais jamais avoué, d'Aelita envers le génie qui était si loin d'elle...

Les vacances approchaient rapidement. Elles allaient engendrer le départ de ses amis, et de l'internat entier. Et elles précèderaient également Noël, et le nouvel an... Une année qu'elle allait commencer et vivre sans lui. Pour la première fois.

Dans quelques jours Odd allait rejoindre sa famille anormalement nombreuse, Ulrich devait retourner au près de son père à l'éducation militaire... Même William allait partir et rentrer chez lui. Yumi, elle, restait toujours à quelques pas seulement du collège. Mais Aelita ne voulait pas la déranger. Elle devait passer les fêtes en famille.

C'était ses derniers jours avec eux. Elle voulait en profiter, mais elle n'y arrivait pas...

Finalement, ils avaient tous fini par rentrer chez eux. Aelita se contentait d'errer dans les couloirs déserts. Les bruits de pas, les rires émanant de dehors, tout ça lui manquaient.

La nuit, elle se baladait, guidée par les étoiles. Pour combattre le froid, elle avait revêtis une épaisse écharpe rose ainsi que des gants de la même couleur. C'était le cadeau qu'il lui avait fait pour Noël il y a plusieurs années. Elle avançait en regardant fixement le ciel. Sur ce fond sombre, une étoile se démarquait de ses semblables.

« Continue de briller... petite étoile... »

Elle dessina un sourire sur ses lèvres pâles, quand elle remarqua une ombre sur le côté. Quelqu'un se tenait debout, mais elle ne distinguait pas vraiment de qui il s'agissait.

La lune se refléta vaguement sur ses cheveux blonds, et sur les verres de ses lunettes. Il lâcha la valise qu'il tenait dans sa main droite. Alors, Aelita compris.. Ouvrant grand ses yeux elle fit quelques pas hésitant, avant de courir vers lui.

A ma Loumi-chan

By Estel WN